L’ancien président est accusé d’avoir serré la main de femmes non voilées en Italie.
Décourageant souvent ses partisans, Mohammad Khatami, lorsqu’il était président, ménageait tant et plus ses adversaires radicaux, les laissant à leur bon gré paralyser son action. Il en a été bien mal récompensé. Au pouvoir depuis l’élection en 2005 de Mahmoud Ahmadinejad, ceux-ci continuent de nourrir à son égard une rancune féroce.
Grappa. Dernier épisode : une vidéo de Khatami, que l’on peut voir sur les sites conservateurs, et qui le montre entouré par un groupe de jeunes femmes sans voile. C’était lors de sa visite à Udine, en Italie, le 12 mai, où il a fait son prêchi-prêcha habituel sur «le dialogue des civilisations». Détail qui a accru le scandale dans le camp des ultras : sur cette vidéo (1), on le voit serrant la main de Gianola et Christina Nonnino. Deux femmes bien connues dans la région comme étant des productrices de… grappa.
L’ancien leader réformateur a d’abord démenti, assuré qu’il n’a jamais effleuré le moindre bout de doigt féminin et qu’il s’agit d’un montage destiné à lui nuire. Puis, il a admis avoir «serré quelques mains» mais ne plus s’en souvenir particulièrement . Qu’importe, le clan des radicaux crie au scandale. Sur tous les tons. Kayhan, le journal des «durs» et des services secrets, dont le directeur Hussein Chariat-Madari est un proche conseiller du Guide suprême Ali Khameneï, a même suggéré que l’ancien président était tombé dans un piège. Tendu par qui ? «La CIA», évidemment. Mais dans quel but ? Discréditer l’islam, la république islamique et l’un de ses anciens présidents, écrit sans rire Chariat-Madari.
Selon ses amis, Khatami a été profondément blessé par ces attaques. Dans l’espoir d’y mettre fin, il a même fait savoir qu’il ne se présenterait pas au prochain scrutin présidentiel, prévu pour 2009. S’il se présentait, dans l’état actuel de mécontentement à l’encontre d’Ahmadinejad, l’actuel Président ultra-conservateur, il aurait une chance d’être élu à nouveau, même si les partisans des réformes ont beaucoup déchanté avec lui. Mais sa décision n’a pas mis fin à la campagne.
Défroqué. Au contraire, les religieux de la ville sainte de Qom sont entrés en lice en juillet. Ils ont lancé une pétition pour exiger que Khatami soit défroqué – il a rang d’hodjatoleslam, un grade subalterne dans la hiérarchie cléricale chiite. Dans une lettre adressée à l’Association des séminaristes – un centre influent -, ils prétendent aussi qu’il existe une autre photo de l’ex-président le montrant assis «de façon obscène à côté du corps dévêtu d’une femme reporter». Ce qui est regardé comme «une injure impardonnable aux lois sacrées de l’islam» et le rend passible de la prison.
L’affaire ne semble en être qu’à ses débuts. Si les radicaux décident de poursuivre leur offensive contre celui qui était surnommé «le mollah qui sourit», il n’y a que le Guide suprême qui pourra donner un coup d’arrêt. Le voudra-t-il ?
(1) On peut consulter la vidéo sur YouTube.